Groupe des lecteurs AEPR Anciens, réunion du 20 décembre 2018.
séance
du jeudi 20 décembre 2018
Nous
étions 12 : Jeannine, Chantal, Nicole, Michèle C., Jean-Pierre,
Roger,
Charles, Martine, Lise, Michèle L. et Michèle P. Eric
Nicole : Simple Julie Esteve. Ce corse de 50 ans, dont la mère
est morte à la naissance est battu et méprisé par son père. Seule, son
institutrice aura de la gentillesse pour lui, comprenant qu'il est maltraité
par tout le monde, car il est pris pour un « demeuré ». Il raconte sa
vie à une « vieille chaise », avec douceur, jamais plaintif. Et
pourtant ! Lors de ses 20 ans il est accusé d'avoir assassiné une jeune
fille, son apparente fragilité psychologique le désignant à la vindicte
populaire. Au cours de ses quinze années de prison il aura « la
chance » d'être protégé par un caïd, son codétenu. Il retournera au village
où il montrera son aptitude à vivre, sa sensibilité et son talent pour parler
de la nature, notamment.
C'est un beau livre, très prenant, pas pesant.
Jean-Pierre :L'agonie de la IV° République Michel Winock. Livre d'Histoire. La courte vie de la IV°
République se termine avec le drame algérien. En 1830, l'Algérie est conquise,
avec Bugeaud, dans le crime, avec des massacres. Les trois quarts du territoire seront accaparés
par 10% de la population, la seule ayant la nationalité française. La nationalisation des
autochtones, plusieurs fois proposée ( Napoléon III, Clémenceau, Jules Ferry, De Gaulle en 43,..) sera
fermement combattue par les colons, partisans de l'apartheid. Aux
manifestations, la République répond par des répressions sanglantes, 1500 à
2000 morts à Sétif, par exemple. Cette même République accorde l'indépendance à
l'Indochine, à la Tunisie et au Maroc, dans le même temps. La Toussaint Rouge,
en 1954, marque la création du FLN. S'ensuit cette guerre avec une
« arme » redoutable, la torture dont s'illustreront de tristes
militaires (Massu, Aussaresse...). La
pression des généraux factieux, les atermoiements de nos politiques, la prise
de la préfecture corse par les paras en guise de semonce conduira à la prise de
pouvoir par le Général De Gaule qui, dans la foulée, se fera voter les pleins
pouvoirs et mettra au vote par référendum une constitution pour la prochaine
république.
Eric:Les chardons du Baragan
Panaït Istrati Quand le vent sibérien fait plier les chardons c'est la période
des mutations pour le travail. Histoire
de paysans révoltés du Baragan -ils ont exterminé leurs notables- qui sont
réprimés dans le sang, leurs villages rasés. C'est en 1928, en Roumanie.
L'auteur, dont le père a été tué à sa naissance, aura une grande déception en
ayant connaissance des crimes staliniens. Il y a cette maman qui équipe son fils et son mari d'une charrette et d'un
âne pour aller pêcher et ramener du poisson à vendre. En chemin ils feront une
piètre vente, leur âne mourra, la charrette sera inutilisable et ils
apprendront, au retour que la maman est décédée !
Charles : Appolinaria
Capucine Motte Péripéties
sentimentales de cette russe qui veut devenir femme de lettres. Dans son collège, l'Ecrivain donne une
conférence et elle lui présente une petite nouvelle qu'elle a écrite. L'Ecrivain va utiliser son pouvoir
de publication dans le journal afin de la séduire. Leur liaison est épisodique
car l'Ecrivain part en Europe. Puis il revient et ils voyagent tous les deux,
sur ses deniers à elle jusqu'à faire appel à son père pour la renflouer.
L'Ecrivain a des engagements à écrire qu'il ne tient pas. Elle va à Paris et
est séduite par un hidalgo. Ensuite c'est son retour en Russie et sa liaison
avec un professeur de français jusqu'à ses retrouvailles avec l'Ecrivain qui
s'est remis à écrire mais qui vit une idylle avec la dactylo qui tape ses
récits ! Mais qui est cet écrivain ? Dostoïevski !
Michèle C. : La mer était si calme Y. Viollier. Roman témoignage sur les conséquences humaines
et matérielles de la tempête Xynthia au travers des récits vécus par quatre
familles.. Il y a cette vendéenne de toujours qui conseille à ses nouveaux voisins de bien fermer toutes
les issues extérieures et d'attendre, s'il se passe quelque chose.... Une famille, l'eau au bord du
lit, va lutter pour un regroupement à l'étage, avant d'être approchée par des
yoles qui l'emmènera au centre de rassemblement. Cette jeune fille travaillant
de nuit et libérée bien plus tôt à cause de l'alerte, s'endormira avant de se réveiller dans l'eau, sortir et
s'agripper à un poteau que ses doigts
tétanisés ne pourront lâcher.
Enfin ce couple laissant, pour une soirée, leurs deux enfants avec les grands parents et qui les perdra
tous.
Lise : OK Joe Louis Guilloux. C'est lété 44, à Saint Brieuc. Récit
autobiographique. L'auteur, journaliste, parle anglais et est interprète à la
Ville car les américains sont sur place attendant la chute de la poche de
Brest. Il sera aussi traducteur lors d'enquêtes et jusqu'aux procès de soldats
américains pour des atteintes contre des français. L'armée américaine
l'intégrera. Il constatera que les coupables, toujours noirs, sont condamnés à
la peine capitale alors qu'un officier ranger ayant déchargé son arme dans le
dos de sa victime bénéficiera d'un tribunal spécial et, acquitté, sera présent
au bar le soir même du procès. Les témoins et les victimes sont français et ces
dernières sont gratifiées de dédommagements absolument dérisoires. Parlant
aussi l'allemand, l'auteur accompagne cette armée américaine à l'ambiance
délétère jusqu'à Paris. Sur le trajet : un beau récit sur la Résistance.
Chantal : Hillbily élégie James David Vance . Récit autobiographique
de cet avocat « transfuge » de son milieu, dans les Appalaches,
région sinistrée après l'abandon des mines de charbon et des usines
métallurgiques. La population, stigmatisée, sans reconversion possible est en
grande difficulté. L'auteur décrit les siens sans culture, dans la violence et
l'alcoolisme. Le désinvestissement familial est désastreux pour les enfants. Il
n'y aucune entraide. Il ira à l'Université grâce à son courage et, surtout,
avec le soutien de sa grand mère qui avait le sens du devoir, de l'honneur et
de l'effort. Il en devient sévère avec les siens et parle de paresse. Best
seller.
L’agonie
de la IVème République.
Michel
WINOCK.
L’année 2018 a été l’année de
l’anniversaire de « MAI 68 ». Les événements de cette période, leurs
conséquences et les souvenirs contrastés qui hantent les mémoires de ceux qui
les ont vécus, qui auraient souhaité les vivre ou au contraire, qui les ont détestés
justifient amplement que l’on ait consacré du temps à revenir sur ces journées
de mai 68.Bon, c’est fait et même beaucoup et bien fait…
Mais 2018 nous renvoie à
d’autres événements qui auraient mérité au moins si ce n’est plus d’attention
que ceux de 1968.
En effet, dix ans auparavant,
en mai 1958, le 13 mai pour être plus précis ont eu lieu des événements
extrêmement graves que j’ai voulu me remettre en mémoire grâce au livre de
Michel Winock, « l’agonie de la Quatrième République ».
1958, 13 ans après la Deuxième
guerre mondiale.
J’avais 19 ans et même si
j’étais trop jeune pour garder des souvenirs précis de l’occupation, dans ma
famille, comme dans toutes les familles je présume cette période avait laissé
des traces encore sensibles en 1958. Elève à l’Ecole Normale de Quimper, je
faisais partie des Eclaireurs de France, nous savions que nos aînés avaient
participé à un réseau de résistance et qu’ils avaient été fusillés à Scaër, c’est
dire si la Résistance était encore très présente dans nos esprits. C’est important
de le dire parce qu’il explique mon désarroi au moment des événements du 13
mai.
Mais revenons au livre.
Michel Winock est un
historien, il enseigne l’Histoire contemporaine à l’Institut des études
politiques, autrement dit Sciences Po. Il est l’auteur de nombreux livres dont
une biographie de Flaubert.
Son histoire du 13 mai 1958
parue dans la collection « des jours qui ont fait la France » est
aussi pour lui de retracer l’histoire de l’Algérie de 1830 à pour mieux cerner
les causes de ce désastre.
Selon lui l’histoire de cet
événement doit être analysée en séparant ce qui relève du temps long,
c'est-à-dire la colonisation de ce qui tient au temps moyen, et qui touche à ce
que l’on a constaté partout dans le monde, la décolonisation et enfin du temps
court, celui à proprement parlé des quelques mois qui ont précédé le 13 mai et
le 13 mai lui-même.
-
Le
temps long, la conquête, de 1830 à 1840, c’est l’époque de
Bugeaud, les expropriations ponctuées des destructions de récoltes, des
incendies de villages, des enfumades de plusieurs centaines de personnes dans
les grottes et des massacres qui suivent la résistance d’Abd el Kader contre
les promesses non tenues de laisser une partie de l’Algérie autonome.
C’est
aussi la politique d’apaisement de Napoléon III qui se heurte au refus des
colons, puis celle de Clémenceau qui reçoit le même accueil.
En
1887, la IIIème République avait présenté un projet de naturalisation
collective de tous les habitants d’Algérie ce texte présenté par Jules Ferry se
heurte au refus des colons.
Et
pourtant l’idée d’instaurer une colonie de peuplement s’avère impossible à
réaliser au fil des années.
Les
brutalités et les exactions commises pendant la conquête vont empêcher
l’adhésion des populations arabes au nouveau maître.
Les
colons n’ont jamais considéré cette population comme des citoyens français.
Le
Front Populaire essaiera de tenter une décolonisation partielle en vain.
En
1943, le général de Gaulle vient en Algérie, dans un discours, à Constantine,
il promet une large naturalisation et une libéralisation de la condition des
populations indigènes à la Libération.
En
mars 1944, il précise ses intentions en décrétant les mêmes droits pour tous.
Une
fois de plus les colons s’opposent à cette décision… Et pour la première fois,
les nationalistes algériens la rejettent également.
Messali
Hadj, leur leader déclenche des manifestations qui aboutissent, d’abord au
massacre d’européens, puis, au cours des opérations de répression au massacre
de Sétif où l’on compte 1500 morts.
-
Le temps
moyen, c’est, arbitrairement, celui de la IVème République.
Il est
nécessaire, pour mieux le comprendre, de faire le point sur l’évolution de
l’état d’esprit des deux communautés qui vivent en Algérie.
Si en
1926 Ferhat ABBAS, un représentant de la classe aisée des musulmans, diplômé
des écoles françaises exprime son refus d’une patrie algérienne, au même moment
Messali Hadj créée « l’Etoile nord-africaine » et prône le
rassemblement des Tunisiens des marocains et des Algériens dans une même
nation.
Son
mouvement est dissous mais il le reconstitue en 1937, sous le nom du Parti du
Peuple Algérien.
En
1931, les religieux se regroupent en association des Oulémas.
Après
le discours de Constantine ces trois tendances se retrouvent pour réclamer la
création d’une république autonome.
Le
temps de l’intégration est passé. La population française est encore dans
l’idée que l’Algérie est une colonie et n’envisage aucune évolution à ce
statut.
1947,
La lutte entre les groupes de libération se déchaine.
1954,
la Toussaint Rouge, une vague d’attentats vient annoncer la création du FLN.
A
Paris, Mendes-France, le président du Conseil, qui vient d’accorder
l’indépendance à l’Indochine et à la Tunisie et s’apprête à faire la même chose
pour le Maroc s’accroche à la certitude que l’Algérie doit rester française. Il
ne prend pas au sérieux le nationalisme algérien.
Aux
élections de 1956 la gauche revient au pouvoir, Guy Mollet est président du
Conseil. Il obtient les pleins pouvoirs du parlement. Il envoie de nouvelles
troupes en Algérie, la presse est censurée. Claude Bourdet est arrêté pour un
article contre le service militaire à 27 mois, de nombreuses voix dénoncent la
torture. Mendes-France, ministre d’état démissionne.
L’avion
de Ben Bella est détourné, Ben Bella arrêté, Alain Savary démissionne.
L’affaire
de Suez achève de déconsidérer les politiques vis à vis de l’armée.
1957,
Massu assume tous les pouvoirs civils et militaires à Alger, la bataille
d’Alger est lancée. Les légionnaires et la milice ratissent la ville, les soldats
reçoivent la bénédiction de l’aumonier de la 10 ème division, il demande« un
interrogatoire sans sadisme, mais efficace », Aussaresses , Trinquier sont
les adjoints de Massu.
En
France, de nombreux intellectuels, François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul
Sartre, Claude Bourdet… relayés par une partie de la presse, Témoignage
chrétien, le Monde, France Observateur, le Canard enchaîné, dénoncent
résolument la torture malgré la censure. Henri Alleg écrit « La
question », préfacée par Jean-Paul Sartre. A l’EN j’ai l’occasion de le
lire, abandonné par qui ? sur une table dans la bibliothèque. Cette
découverte ne sera pas sans effet sur mon état d’esprit quelques mois plus
tard.
-
Le temps
court, qui, à l’époque m’a semblé si long !
Tout
commence par la mise en minorité de Félix Gaillard, le 15 avril 1958.
L’exaspération
des français d’Algérie, les Pieds Noirs, monte, des activistes entretiennent ce
mécontentement, Lagaillarde, Ortiz.
Les
Pieds Noirs, certains très riches, les colons, les vrais qui ont profité de
toutes les confiscations des terres indigènes depuis 1830. D’autres pauvres ou
presque pauvres. Issus des différentes opérations de peuplement, d’origine
française, italienne ou espagnole. Certains français ont fuit l’Alsace et la
Lorraine en 1870, d’autres les dictatures de Franco ou de Mussolini. Tous ont
la même certitude, l’Algérie est leur terre, aucun n’envisage de la quitter.
Peu ont conscience d’être dans une colonie, les arabes… il y a ceux qu’ils
connaissent, ceux de leur quartier ou de leur village, et les autres …
Ils
sont pour une immense majorité contre toute politique d’assimilation ou
d’intégration.
Au sein de l’armée, deux mondes, l’armée de
métier et le contingent. Le contingent composé de jeunes hommes venus de
métropole ne fréquentent pas les Pieds Noirs et s’en méfient, l’armée de métier
éprouve de la rancœur vis-à-vis de la classe politique parisienne, responsable
de l’abandon de l’Indochine, de la Tunisie et du Maroc, sans parler de la
déroute diplomatique de l’affaire de Suez.
Cette
rancœur est soutenue par les milieux
catholiques intégristes de la « Cité catholique », dirigé par un maurassien pur jus, Jean Ousset, qui fut le chef du bureau d'étude de la Jeune
légion4, une structure liée à la Légion
française des combattants de Xavier Vallat, un des bras armés du régime de Vichy , issus
du pétainisme, ils sont animés de sentiments antidémocratiques. Petit à petit
une revendication apparaît parmi les officiers : « un gouvernement de
salut public ».,
Des
contacts sont pris entre le général Jacques Faure et Michel Debré. Mais le
projet avorte quand il tente de faire arrêter le ministre résident Robert
Lacoste.
Dès le
7 mars apparaissent les premiers appels à de Gaulle. Le président de la
République René Coty a bien du mal à trouver un remplaçant à Félix Gaillard…
Tout
est prêt pour le 13 mai. Les acteurs, l’armée, les activistes algérois,
l’Assemblée Nationale et … les gaullistes. Michel Debré relance l’idée d’un
gouvernement de salut public dans un article, A Alger se constitue un comité de
vigilance autour de Delbecq, ancien chef de cabinet de Chaban Delmas. Le 7 mai,
à Philippeville, le colonel Bigeard appelle à la guerre à outrance.
Le 8
mai, René Coty appelle Pierre Pflimlin, Debré encourage les élus de droite à
jouer le pourrissement à l’Assemblée Nationale.
Le 9
mai, Alain de Sérigny, ancien vichyste, directeur de « l’Echo
d’Alger » lance un appel à la population pour exiger un gouvernement de
salut public. Salon, Jouaud et Auboyneau envoie un message au général Ely, chef
d’état major des armées en faisant planer la menace d’une action désespérée de l’armée.
Debré
assure Ely que de Gaulle est prêt.
Le FLN
annonce l’exécution de trois militaires français en représailles des condamnations à mort des
membres du FLN.
10
mai, Pflimlin constitue son équipe, Alger fait connaître son refus d’accepter
ce gouvernement.
11 et
12 mai, Salan, représentant le gouvernement français à Alger demande le retrait
de Pflimlin et le retour de de Gaulle.
13
mai, deux manifestations sont prévues à Alger, l’une par Salan pour honorer la
mémoire des trois militaires français, l’autre pour exiger un gouvernement de
salut public.
Les
deux manifestations vont fusionner. Dans la soirée la foule est immense,
hostile au gouvernement, sous l’impulsion de Lagaillarde et Ortiz, elle se
dirige vers le palais du gouvernement général. Les grilles sont forcées, les
CRS qui défendent l’accès sont bousculés, la foule envahi le bâtiment avec la
complicité des parachutistes du colonel Trinquier qui prête un GMC pour forcer
les grilles, c’est le saccage.
Massu et
Salan se rendent sur les lieux et Massu prend les affaires en main et créée le
comité de salut public qui exige la formation d’un gouvernement de salut public
présidé par de Gaulle. C’est le putsch !
En
même temps à Paris le gouvernement Pflimlin est investi par l’Assemblée
Nationale.
Le
divorce semble consommé…
Mais
non, le président du conseil confirme Salan dans ses pouvoirs.
Les
jours qui suivent vont être longs, très longs, de Gaulle sait qu’il ne peut
accepter la voie normale pour accéder au pouvoir, l’Assemblée Nationale a condamné
le 13 mai, il ne recueillera pas la majorité nécessaire pour former un
gouvernement. Il faut faire traîner les choses.
Ses proches
à Paris et à Alger jouent sur la crainte d’un débarquement des parachutistes à
Paris. Une opération est d’ailleurs en cours de préparation, l’opération
« Résurrection ».
De
Gaulle ne veut pas apparaître comme le jouet des militaires, pendant qu’il
cherche un consensus avec René Coty et les responsables politiques dont Guy
Mollet, ses lieutenants, Frey, Debré, Guichard, Foccart font patienter Massu de
plus en plus tenté par un coup de force pour favoriser le retour du général de
Gaulle.
Du 13
au 18 mai le temps semble flotter. Chacun avance ses pions dans l’attente de la
parole de de Gaulle.
Le 19
mai il tient une conférence de presse,
il se déclare prêt à prendre la tête de la République. A la question des
journalistes il refuse de condamner le coup de force des militaires, de Massu
et de Salan. En même temps il exige de ses compagnons un immobilisme absolu…
Claude
Bourdet, ancien résistant déclare que l’homme du 18 juin est devenu celui du 19
mai.
En ce
qui me concerne, à l’époque, j’ai exactement le même sentiment de trahison,
l’homme de la Résistance se lie à l’armée pour renverser la République. C’est
une incompréhension totale.
A
l’Assemblée Nationale, Mendes France exprime sa défiance envers la façon dont
de Gaulle justifie ou excuse le comportement des civils et des militaires
d’Alger.
Et
l’attente continue, en coulisse de Gaulle rencontre Antoine Pinay et les chefs
des différents partis politiques. Foccard donne on accord pour l’organisation
de l’opération « Résurrection », mais pas pour son déclanchement
immédiat, les militaires passent outre.
Le 25
mai la préfecture de Corse est investie par les paras, le colonel Thomazo prend
le pouvoir sur l’île, les maires fidèles à la République sont destitués.
Nouveau silence de de Gaulle. Jules Moch le ministre de l’intérieur propose de
reprendre la Corse par la force. Pflimlin refuse. Sur la proposition de Guy
Mollet ils décident de rencontrer le général à Saint-Cloud dans la nuit du 26
au 27 mai, rien ne sort de cette entrevue mais le lendemain de Gaulle fait part
de contacts positifs…
Pflimlin
démissionne le 28 mai. René Coty contacte de Gaulle qui accepte la procédure
constitutionnelle.
Il
présente ses exigences le 1er juin à l’Assemblée Nationale, pleins
pouvoirs pendant 6 mois, nouvelle constitution par référendum. L’Assemblée
Nationale accepte.
Le 4
juin de Gaulle se rend à Alger, Il y prononce son célèbre « je vous ai
compris » ce qui enthousiasme une grande partie des pieds noirs, mais
laisse les activistes et les militaires sur leur faim.
La
République gaullienne se met en place, la constitution de la Vème république
est adoptée par référendum, avec une majorité écrasante de oui, plus de 80%.
Le
grand malentendu va se révéler petit à petit, le fossé se creusera entre les
activistes d’Alger suivis par une majorité de Pieds Noirs jusqu’au putsch du
« quarteron » de généraux, Salan, Jouaud, Challe et Zeller du 22
avril 1961… Mais c’est une autre histoire, ou pas…
Alors,
le 13 Mai, coup d’état ?
Au
départ les auteurs du 13 mai n’avait qu’un but, mettre l’armée au pouvoir,
c’est l’influence de Delbecq, émissaire de Chaban Delmas et de Massu au sein du
comité de salut public qui fait évoluer l’objectif vers la solution de l’appel
à de Gaulle. A partir de ce moment la cellule de la rue Solférino, siège du
comité gaulliste pilote l’opération et arrive à convaincre les activistes
algérois que de Gaulle est la garantie du maintien de l’Algérie française.
Après
le 13 mai de Gaulle est à la manœuvre, il relance l’insurrection qui commence à
douter le 15 mai.
En se
gardant de toute condamnation des évènements, puis de ceux de Corse, il pactise avec la sédition.
Il n’a
pas personnellement trempé dans la conjuration mais il a su en saisir toute
l’utilité. « Si ce n’est pas un coup d’état cela ressemble bien à un
quasi-coup d’état. »
Ce
n’est pas le 2 décembre 1852, mais cela ressemble au 18 brumaire…
Cependant
il faut reconnaître que son retour au gouvernement n’est entaché d’aucune
illégalité sauf si l’on retient, comme le dit Mendes France que le vote
d’investiture de l’Assemblée a été contraint par le chantage à la guerre civile
et que le résultat a été vicié par la menace d’intervention militaire.
Cette
« légalité forcée » a été légitimée à posteriori par la légitimité du
référendum. Michel Wonock conclu par ce verdict : « légalité douteuse
mais légitimation indiscutable.
Et
maintenant rêvons, rêvons à un Philip
Roth qui nous écrirait une épouvantable uchronie…
« Et
si le 13 mai avait vraiment réussi… Et si l’armée avait pris le pouvoir… »
... Un cauchemar!