vendredi 12 avril 2019

Je, François Villon de Jean Teulé.


                                                            
Jean TEULE n’est pas un historien, il l’affirme, et pourtant, chacun de ces livres et celui-ci n’est pas différent, part d’évènements ou de personnages  historiques et repose sur une recherche approfondie.

Selon un lecteur  sur le site  BABELIO il s’agit d’une « biographie largement romancée puisqu'on ne sait pratiquement rien de la vie de François Villon. On découvre le talent de ce grand poète français, plus "poète des tavernes et des brigands" que porté sur la poésie courtoise, mais aussi la vie du Moyen-âge…. Avant  d’entrer dans le récit, il est peut-être utile de présenter l’époque.

Le XV ème siècle, l’histoire en noir et rouge et blanc…! Noir comme la peste du même nom qui sévit en tant qu’épidémie de 1350 à 1375 et qui perdurera en pandémie jusqu’en 1500, rouge comme le sang qui ruisselle et les incendies des villes perdues puis reprises  pendant la guerre de cent ans qui se termine en  1453, blanc, enfin comme l’aube des temps modernes, les grandes découvertes et en tout premier lieu, l’imprimerie qui ouvre la Renaissance, la fin du Moyen Age et de la féodalité. L’imprimerie,  dont ne profitera pas l’œuvre de FV de son vivant. Il faudra attendre 70 ans, pour que l’œuvre de celui qui est alors considéré comme le meilleur poète du XVéme siècle soit « traduit » et édité par Clément Marot.
Pourtant à partir de 1450, Gutemberg met au point les dernières techniques qui vont permettre une extension rapide de l’imprimerie, partout en Europe, sauf en France. En 1470 date de l’arrivée à Paris de trois imprimeurs allemands à la demande des responsables de la Sorbonne on compte déjà une bonne quinzaine de villes en Allemagne et en Italie. Après tout ira très vite, on trouve des imprimeries dans des villes assez petites, en 1499, Jehan Lagadec fera imprimé son « catholicon », premier dictionnaire trilingue, français, breton et latin à Tréguier !

Revenons à Jean Teulé qui à partir d’évènements incontestables va bâtir son roman de la vie de François Villon, le terreau est riche et il en profite et quelquefois même en abuse….
1431, mort de Jeanne d’Arc.
1437, Dernières convulsions de la Guerre de 100 ans, arrivée de Charles VII à Paris, les anglais viennent d’en être chassés, dissolution des Grandes Compagnies.
1460, mort de Charles VII, avènement de Louis XI.
La peste noire, réelle dans tout l’occident sous forme d’épidémie violente de 1345 à 1360, endémique avec des épisodes d’épidémie plus ou moins sévères jusqu’à 1500.
L’état général du royaume, la France est une bande de terre coincée entre la Bretagne, la Normandie, l’Aquitaine, le Béarn à l’ouest, la Bourgogne, le Rhône à l’est, et encore ces limites ont évolué sans arrêt au cours de ce siècle calamiteux.
Les coquillards, bandits de grands chemins souvent anciens des Grandes Compagnies, constitué quelquefois en véritables armées mais le plus souvent en petits groupes, mais rien ne permet de les relier à François Villon.
Coexistence des justices royales, seigneuriales et épiscopales.

A partir de ce matériau  Jean Teulé écrit une histoire rude, brutale quelquefois odieuse même, certains passages,  quand Villon se rapproche des Coquillards sont parfois insoutenables, il est difficile d’accepter une version aussi sordide du poète.

Une fois terminée la lecture j’ai cherché  quelques renseignements supplémentaires sur François Villon, peut-être pour atténuer cette image trop noire,  Wikipédia s’est révélé assez succint, heureusement il y a Gallica !

J’ai trouvé deux ouvrages qui ont pu servir  à Jean Teulé.
 « François Villon, sa vie et son temps » de Pierre CHAMPION, un historien du début du XXème siècle et « Etude biographique sur François Villon » d’Auguste LONGNON, archiviste reconnu au XIXème siècle.
En les lisant on découvre comment Jean Teulé se sert de certaines vérités, comment il en tait d’autres pour bâtir son récit :
Sa mère vivait sans doute encore à la mort de FV, pas d’Isabelle de Bruyère mais une Catherine de Vauzelles que FV a beaucoup aimé mais qui l’a abandonné et sans doute humilié… Pas d’Isabelle et donc pas de trahison horrible et ni de recluse…
Il y a bien eu un coup de dague mortel à  Sermoise, en juin 1455, mais celui-ci n’était pas l’amant de La Machecoue, autre inconnue au bataillon…
Le vol du collège de Navarre a eu lieu en décembre 1456. C’est à la suite de cette affaire que François Villon a sans doute été banni de Paris mais plus vraisemblablement de France, d’où ces pérégrinations, de Saint Julien de vouvantes,  à Roussillon…
Pas de rencontre avec l’affreux Thibaut d’Aussigny entre la mère de Villon en 1431, mais il était bien évêque de Meung sur loire et a bien fait arrêté et interrogé « virilement » Villon en 1459.
Pas de voyage organisé pour prendre un emploi chez le roi René à Angers, mais une reconnaissance avant forfait chez un oncle de François Villon, chanoine à Angers…
La pauvreté du père de François est a peu près la seule chose qu'on en connaisse il n'existait plus en 1461 et, sans doute, il était mort depuis longtemps 'déjà. On possède, en revanche, quelques détails sur la  bonne mère du poète, qui désigne ainsi cette sympathique créature et la met en scène, d'une manière touchante, dans sa jolie ballade en forme de prière à Notre-Dame. C'était une femme sincèrement religieuse, mais pauvre et complètement illettrée.
« Femme je suis, povrette et ancienne, Ne rien ne scay~ oncques lettres ne leuz »
. Et dont Villon se reproche d'avoir souvent causé le désespoir
« Qui pour moy eut douleur amere,
Dieu le scait! et mainte tristesse. »

Ceci dit,  François Villon était un très mauvais garçon et fréquentait une bande de crocheteurs et autres voleurs, l’affaire du collège de Navarre est bien réelle et lui a valu son bannissement. Même ses compagnons sont utilisés, certains oubliés d’autres « ennoblis » comme Colin de Cayeux qui devient le roi des Coquillards…
Comme l’apprenti  charcutier Dogis, dont le frère finira ébouillanté…

Une petite citation pour, si l’on peut dire, la bonne bouche…

François Villon et Dogis sont dans une taverne et évoquent des souvenirs…
« Tu as bouffé ma mère en pâté ?
Je n’en reviens pas, suis abasourdi par ce que je viens d’apprendre, ne réussis à y croire :
« — C’est une blague, Dogis ?
— Non, non, non, François ! Tu sais, je n’ai pas tellement le cœur à rire ce soir… me répond l’adolescent rouquin à la figure grêlée de taches de rousseur. Mais je crois bien que j’ai dû en bouffer de ta mère. Ça lui est arrivé quand son truc ?
— Deux jours après l’entrée de Charles VII dans Paris.
— Ah oui, alors c’est ça. Déjà à l’époque, Christophe, dès qu’il apprenait qu’une femme serait enterrée vivante, allait se servir à Montfaucon.
Au-dessus de la charcuterie de la rue de la Parcheminerie près de la rue de la Harpe, dans une maison à l’enseigne du Chariot, je suis sidéré :
— T’as bouffé ma mère en pâté…
— Arrête de répéter ça, François. Tu te fais du mal.
— Mais comment faisiez-vous ? 
Un peu de veau, un peu de porc, un peu de ta mère… Des clous de girofle, un rameau de romarin, quelques graines de paradis, du laurier, des oignons et du vin de Bagneux où on trempait les viandes douze heures en marinade… ».