Jean TEULE n’est pas un historien, il l’affirme, et
pourtant, chacun de ces livres et celui-ci n’est pas différent, part
d’évènements ou de personnages historiques
et repose sur une recherche approfondie.
Selon un lecteur sur
le site BABELIO il s’agit d’une
« biographie largement romancée puisqu'on ne sait pratiquement rien de la
vie de François
Villon. On découvre le talent de ce grand poète français,
plus "poète des tavernes et des brigands" que porté sur la poésie
courtoise, mais aussi la vie du Moyen-âge…. Avant d’entrer dans le récit, il est peut-être
utile de présenter l’époque.
Le XV ème siècle, l’histoire en noir et rouge et blanc…!
Noir comme la peste du même nom qui sévit en tant qu’épidémie de 1350 à 1375 et
qui perdurera en pandémie jusqu’en 1500, rouge comme le sang qui ruisselle et
les incendies des villes perdues puis reprises
pendant la guerre de cent ans qui se termine en 1453, blanc, enfin comme l’aube des temps
modernes, les grandes découvertes et en tout premier lieu, l’imprimerie qui ouvre
la Renaissance, la fin du Moyen Age et de la féodalité. L’imprimerie, dont ne profitera pas l’œuvre de FV de son
vivant. Il faudra attendre 70 ans, pour que l’œuvre de celui qui est alors
considéré comme le meilleur poète du XVéme siècle soit « traduit » et
édité par Clément Marot.
Pourtant à partir de 1450, Gutemberg met au point les
dernières techniques qui vont permettre une extension rapide de l’imprimerie,
partout en Europe, sauf en France. En 1470 date de l’arrivée à Paris de trois
imprimeurs allemands à la demande des responsables de la Sorbonne on compte
déjà une bonne quinzaine de villes en Allemagne et en Italie. Après tout ira
très vite, on trouve des imprimeries dans des villes assez petites, en 1499,
Jehan Lagadec fera imprimé son « catholicon », premier dictionnaire
trilingue, français, breton et latin à Tréguier !
Revenons à Jean Teulé qui à partir d’évènements
incontestables va bâtir son roman de la vie de François Villon, le terreau est riche et il
en profite et quelquefois même en abuse….
1431, mort de Jeanne d’Arc.
1437, Dernières convulsions de la Guerre de 100 ans, arrivée
de Charles VII à Paris, les anglais viennent d’en être chassés, dissolution des
Grandes Compagnies.
1460, mort de Charles VII, avènement de Louis XI.
La peste noire, réelle dans tout l’occident sous forme
d’épidémie violente de 1345 à 1360, endémique avec des épisodes d’épidémie plus
ou moins sévères jusqu’à 1500.
L’état général du royaume, la France est une bande de terre
coincée entre la Bretagne, la Normandie, l’Aquitaine, le Béarn à l’ouest, la
Bourgogne, le Rhône à l’est, et encore ces limites ont évolué sans arrêt au cours
de ce siècle calamiteux.
Les coquillards, bandits de grands chemins souvent anciens
des Grandes Compagnies, constitué quelquefois en véritables armées mais le plus
souvent en petits groupes, mais rien ne permet de les relier à François Villon.
Coexistence des justices royales, seigneuriales et
épiscopales.
A partir de ce matériau Jean Teulé écrit une histoire rude, brutale quelquefois
odieuse même, certains passages, quand
Villon se rapproche des Coquillards sont parfois insoutenables, il est difficile
d’accepter une version aussi sordide du poète.
Une fois terminée la lecture j’ai cherché quelques renseignements supplémentaires sur
François Villon, peut-être pour atténuer cette image trop noire, Wikipédia s’est révélé assez succint, heureusement
il y a Gallica !
J’ai trouvé deux ouvrages qui ont pu servir à Jean Teulé.
« François
Villon, sa vie et son temps » de Pierre CHAMPION, un historien du début du
XXème siècle et « Etude biographique sur François Villon » d’Auguste
LONGNON, archiviste reconnu au XIXème siècle.
En les lisant on découvre comment Jean Teulé se sert de
certaines vérités, comment il en tait d’autres pour bâtir son récit :
Sa mère vivait sans doute encore à la mort de FV, pas
d’Isabelle de Bruyère mais une Catherine de Vauzelles que FV a beaucoup aimé
mais qui l’a abandonné et sans doute humilié… Pas d’Isabelle et donc pas de trahison
horrible et ni de recluse…
Il y a bien eu un coup de dague mortel à Sermoise, en juin 1455, mais celui-ci n’était
pas l’amant de La Machecoue, autre inconnue au bataillon…
Le vol du collège de Navarre a eu lieu en décembre 1456.
C’est à la suite de cette affaire que François Villon a sans doute été banni de
Paris mais plus vraisemblablement de France, d’où ces pérégrinations, de Saint
Julien de vouvantes, à Roussillon…
Pas de rencontre avec l’affreux Thibaut d’Aussigny entre la
mère de Villon en 1431, mais il était bien évêque de Meung sur loire et a bien
fait arrêté et interrogé « virilement » Villon en 1459.
Pas de voyage organisé pour prendre un emploi chez le roi René
à Angers, mais une reconnaissance avant forfait chez un oncle de François
Villon, chanoine à Angers…
La pauvreté du père de François est a peu
près la seule chose qu'on en connaisse il n'existait plus en 1461 et,
sans doute, il était mort depuis longtemps 'déjà. On possède, en revanche,
quelques détails sur la bonne mère du
poète, qui désigne ainsi cette sympathique créature et la met en scène, d'une manière
touchante, dans sa jolie ballade
en forme de prière à Notre-Dame. C'était une femme sincèrement religieuse, mais pauvre et
complètement illettrée.
« Femme je suis, povrette et ancienne, Ne rien ne scay~ oncques
lettres ne leuz »
. Et dont Villon se reproche
d'avoir souvent causé le désespoir
« Qui pour moy eut douleur amere,
Dieu le scait! et mainte
tristesse. »
Ceci dit, François Villon était un très mauvais garçon
et fréquentait une bande de crocheteurs et autres voleurs, l’affaire du collège
de Navarre est bien réelle et lui a valu son bannissement. Même ses compagnons sont
utilisés, certains oubliés d’autres « ennoblis » comme Colin de
Cayeux qui devient le roi des Coquillards…
Comme l’apprenti charcutier Dogis, dont le frère finira
ébouillanté…
Une petite citation pour, si l’on peut dire, la bonne bouche…
François Villon et Dogis sont
dans une taverne et évoquent des souvenirs…
« Tu as bouffé ma mère en
pâté ?
Je n’en
reviens pas, suis abasourdi par ce que je viens d’apprendre, ne réussis à y
croire :
« — C’est
une blague, Dogis ?
— Non,
non, non, François ! Tu sais, je n’ai pas tellement le cœur à rire ce
soir… me répond l’adolescent rouquin à la figure grêlée de taches de rousseur.
Mais je crois bien que j’ai dû en bouffer de ta mère. Ça lui est arrivé quand
son truc ?
— Deux
jours après l’entrée de Charles VII dans Paris.
— Ah
oui, alors c’est ça. Déjà à l’époque, Christophe, dès qu’il apprenait qu’une
femme serait enterrée vivante, allait se servir à Montfaucon.
Au-dessus
de la charcuterie de la rue de la Parcheminerie près de la rue de la Harpe,
dans une maison à l’enseigne du Chariot, je suis sidéré :
— T’as
bouffé ma mère en pâté…
— Arrête
de répéter ça, François. Tu te fais du mal.
— Mais
comment faisiez-vous ?
Un peu
de veau, un peu de porc, un peu de ta mère… Des clous de girofle, un rameau de
romarin, quelques graines de paradis, du laurier, des oignons et du vin de
Bagneux où on trempait les viandes douze heures en marinade… ».